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Séance du 8 thermidor An II

les citoyens peu fortunés et pour multiplier les mécontents. J’avais souvent inutilement appelé l’attention du Comité de salut public sur cet objet ; eh bien ! croirait-on qu’on a répandu le bruit qu’ils étaient encore mon ouvrage, et que pour l’accréditer on a imaginé de dire qu’il existait au Comité de salut public une commission des finances et que j’en étais le président ? Mais comme on voulait me perdre, surtout dans l’opinion de la Convention nationale, on prétendit que moi seul avais osé croire qu’elle pouvait renfermer dans son sein quelques hommes indignes d’elle. On dit à chaque député revenu d’une mission dans les départements que moi seul avais provoqué son rappel. Je fus accusé par des hommes très officieux et très insinuants de tout le bien et de tout le mal qui avait été fait. On rapportait fidèlement à mes collègues et tout ce que j’avais dit, et surtout ce que je n’avais pas dit. On écartait avec soin le soupçon qu’on eût contribué à un acte qui pût déplaire à quelqu’un ; j’avais tout fait, tout exigé, tout commandé ; car il ne faut pas oublier mon titre de dictateur. Quand on eut formé cet orage de haines, de vengeances, de terreur, d’amour propre irrités, on crut qu’il était temps d’éclater. Ceux qui avaient des raisons de me redouter se flattaient hautement que ma perte certaine allait assurer leur salut et leur triomphe. Tandis que les papiers anglais et allemands annonçaient mon arrestation, des colporteurs de journaux la criaient à Paris. Mes collègues, devant qui je parle, savent le reste beaucoup mieux que moi ; ils connaissent toutes les tentatives qu’on a faites auprès d’eux pour préparer le succès d’un roman qui paraissait une nouvelle édition de celui de Louvet. Plusieurs pourraient rendre compte des visites imprévues qui leur ont été rendues pour les disposer à me proscrire. Enfin, on assure que l’on était prévenu généralement dans la Convention nationale qu’un acte d’accusation allait être porté contre moi[1]. On a sondé les esprits à ce sujet, et tout prouve que la probité de la Convention nationale a forcé les calomniateurs à abandonner ou du moins à ajourner leur crime. Mais qui étaient-ils, ces calomniateurs ? Ce que je puis répondre d’abord, c’est que, dans un manifeste royaliste trouvé dans les papiers d’un conspirateur connu qui a déjà subi la peine due à ses forfaits, et qui paraît être le texte de toutes les calomnies renouvelées en ce moment, on lit en propres termes cette conclusion, adressée à toutes les espèces d’ennemis publics : Si cet astucieux démagogue n’existait plus, s’il eût payé de sa tête ses manœuvres ambitieuses, la nation serait libre ; chacun pourrait publier ses pensées ; Paris n’aurait jamais vu dans son sein cette multitude d’assassinats vulgairement connus

  1. Lignes raturées : « Je ne suis point assez éclairé sur les manœuvres ténébreuses pour assurer si cette nouvelle est vraie ou fausse ; mais, si elle n’était pas dénuée de fondement, j’aurais droit d’en conclure que la probité de la majorité de la Convention nationale a repoussé, etc. » (Note orig.)