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LES DISCOURS DE ROBESPIERRE

vier, après que Rey, député du tiers état de la sénéchaussée de Béziers, se fut prononcé en faveur de la procédure écrite, Robespierre intervient à son tour dans le même sens[1].

Ce ne fut que le 18 janvier, après de longues controverses, que l’Assamblée adopta l’art. 1. du projet de décret : « Les dépositions des témoins seront faites et reçues par écrit... ».


Le Point du Jour, t. XVIII, nos 542 et 543, p. 31 à 35.


« M. Robespierre a parlé ensuite en ces termes :

« Les preuves, les dépositions sur lesquelles les juges doivent asseoir les jugemens qui décident de la destinée des accusés, seront-elles fixées par l’écriture ? ou ne doivent-elles être que des paroles fugitives, qui, de la bouche des témoins, iront expirer dans l’esprit et dans les cœurs des juges ?

« Quelque simple que cette question paroisse au premier coup d’oeil, elle tient, par des rapports aussi délicats qu’importans, aux plus grands intérêts de la Société. Il n’est qu’un moyen de l’éclaircir et de la résoudre promptement, c’est de remonter au véritable principe de toute législation criminelle.

« En général, la procédure criminelle n’est autre chose que les précautions que la loi prend contre les foiblesses et contre les passions des juges.

« Si les juges étoient des anges, s’ils étoient des êtres infaillibles ou impeccables, la loi leur diroit : Voilà des citoyens accusés ; faites ce que vous trouverez convenable pour découvrir la vérité et jugez ensuite comme vous voudrez. Les formes seront ce que vous aurez fait ; la preuve, ce qui vous aura convaincu ; la vérité, ce que vous aurez décidé. La tâche seroit simple, elle se borneroit à créer des juges.

« Mais quels qu’ils soient, ce seront toujours des hommes ; loin de considérer les magistrats comme des êtres abstraits ou impassibles, dont l’existence personnelle est parfaitement confondue avec leur existence publique, le sage législateur sait que de tous les hommes, ce sont ceux qu’il doit surveiller avec plus de soin, parce que l’orgueil du pouvoir est le plus redoutable écueil de la foiblesse humaine.

« Exempt de partialité et de passions, parce qu’il statue sur les choses, par des loix générales, et non sur les individus, par des décisions particulières, c’est à lui de diriger, par des règles fixes et constantes, le juge destiné à prononcer sur les personnes et sur les intérêts privés ; de là les formes aux quelles la marche de l’instruction criminelle fut toujours assujettie.

  1. Cf. E. Hamel, I, 354-355. Le discours et le projet de Rey sont rapportés longuement dans le Point du Jour, n° 542, p. 24-30.