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Page:Œuvres complètes de Platon, série 3, tome 1, Dialogues dogmatiques (trad. Dacier et Grou), 1866.djvu/430

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clairvoyants qu’à l’époque ou ceux du corps s’affaiblissent, et tu es encore loin de ce moment. — Tels sont mes sentiments, Socrate, repartis-je, et je n’ai rien dit que je ne pense ; c’est à toi de prendre la résolution qui te paraîtra la plus convenable et pour toi et pour moi. — C’est bien, répondit-il, nous y penserons, et nous ferons ce qui nous paraîtra le plus convenable pour nous deux sur ce point comme sur tout le reste.

Après ces propos, je le crus atteint par le trait que je lui avais lancé. Sans lui laisser le loisir d’ajouter une parole, je me lève, enveloppé de ce manteau que vous me voyez, car c’était en hiver, je m’étends sous la vieille capote de cet homme-là, et, jetant mes bras autour de ce divin et merveilleux personnage, je passai près de lui la nuit tout entière. Sur tout cela, Socrate, je crois que tu ne me démentiras pas. Eh bien ! après de telles avances, il est resté insensible, il n’a eu que du dédain et que du mépris pour ma beauté, et n’a fait que lui insulter ; et pourtant je la croyais de quelque prix, ô mes amis. Oui, soyez juges de l’insolence de Socrate : j’en atteste les dieux et les déesses, je me levai d’auprès de lui tel que je serais sorti du lit de mon père ou de mon frère aîné.

Depuis lors, vous concevez quelle dut être la situation de mon esprit. D’un côté je me regardais comme méprisé, de l’autre j’admirais son caractère, sa tempérance, sa force d’âme, et il me paraissait impossible de rencontrer un homme qui lui fût égal en sagesse et en empire sur lui-même : de sorte