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Page:Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 2, 1870.djvu/322

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SUR LE ΕΙ

nombre est l’image de la cause première qui dirige l’ensemble de toutes choses. En effet, comme cette cause maintient par elle-même le monde entier, comme, réciproquement, par le monde entier, elle se perfectionne, puisque toute substance se change en feu, selon Héraclite, et que le feu se change en toutes substances, témoin le lingot d’or qui devient monnaie et la monnaie qui devient lingot ; de même, la combinaison du nombre cinq avec lui-même ne peut, par une loi de nature, produire rien qui soit imparfait ou qui lui soit étranger. Ce sont des changements déterminés à l’avance ; le résultat est toujours ou le nombre cinq lui-même, ou une dizaine, c’est-à-dire un nombre de son espèce, ou bien un nombre parfait.

9. Maintenant, si l’on demande quel rapport tout cela peut avoir avec Apollon, nous avons notre réponse ; et ce n’est pas ce dieu seul que de telles supputations intéressent ; elles s’appliquent encore à Bacchus qui n’a pas dans l’oracle de Delphes une part moindre qu’Apollon, Écoutons ceux qui s’occupent des questions religieuses : nous les entendrons nous dire en vers et en prose, que le Dieu, incorruptible et éternel de sa nature, est soumis, par l’ascendant d’une loi et d’une raison fatale, à différentes transformations de sa propre personne. Tantôt c’est en feu qu’il change sa nature, assimilant entre elles toutes les substances ; tantôt il devient multiple à l’infini, prenant des formes, des affections, des propriétés différentes : d’où est constitué l’ensemble de ce qui existe maintenant sous le nom si connu de monde. Mais afin, continue-t-on, que cette doctrine reste cachée au vulgaire, le changement du principe universel en feu a reçu des sages par excellence le nom d’Apollon, qui exprime son unité[1], et celui de Phébus, qui désigne sa pureté et son exemption de toute souillure. Quand le Dieu se change et se transforme en souffles, en eau, en terre, en astres, en plantes qui croissent, en animaux qui vivent, les sages donnent à ces affections et à ces vicissitu-

  1. Amyot ajoute : « d’autant qu’elle oste la pluralité des choses ».