Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/115

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rité de la nuit, les deux armées se rapprochèrent, au bruit de leur marche, elles se crurent réciproquement en présence de l’ennemi, et devinrent l’une pour l’autre un sujet d’alarme et de tumulte. Cette méprise aurait amené la plus déplorable catastrophe, si, de part et d’autre, des cavaliers détachés en éclaireurs n’eussent reconnu la vérité. Aussitôt la crainte fait place à l’allégresse ; les soldats, dans leur ravissement, s’abordent l’un l’autre ; on raconte, on écoute ce qui s’est passé ; chacun porte aux nues ses actes de bravoure. Car ainsi vont les choses humaines : la victoire permet même au lâche de se vanter ; les revers rabaissent jusqu’aux plus braves.

LIV. Metellus demeure campé quatre jours dans ce lieu ; il donne tous ses soins aux blessés, décerne les récompenses militaires méritées dans les deux combats, adresse publiquement à toutes ses troupes des félicitations et des actions de grâces, puis les exhorte à montrer le même courage pour des travaux désormais plus faciles : après avoir combattu pour la victoire, leurs efforts, disait-il, n’auraient plus pour but que le butin. Cependant il envoie des transfuges et d’autres émissaires adroits, afin de découvrir chez quel peuple s’était réfugié Jugurtha (57), ce qu’il projetait, s’il n’avait qu’une poignée d’hommes ou bien une armée, et quelle était sa contenance depuis sa défaite.

Ce prince s’était retiré dans des lieux couverts de bois et fortifiés par la nature. Là, il rassemblait une armée plus nombreuse à la vérité que la première, mais composée d’hommes lâches, faibles, plus propres à l’agriculture et à la garde des troupeaux qu’à la guerre. Il en était réduit à cette extrémité, parce que, chez les Numides, personne, excepté les cavaliers de