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Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/15

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Pillitus : autre ressemblance avec nos vieilles chroniques, qui, rédigées d’abord par des ecclésiastiques et dans les monastères comme les fastes romains l’étaient dans les temples, ne le furent que plus tard par des laïques. Une nouvelle génération d’écrivains s’éleva ; mais, c’est Cicéron encore qui nous le dit, elle ne fit que reproduire l’ignorance et la faiblesse de ses devanciers. Sisenna seul faisait pressentir Salluste.

Pourquoi l’histoire, à Rome, a-t-elle ainsi été en retard sur l’éloquence ? Il faut sans doute attribuer cette infériorité de l’histoire à la langue elle-même, qui n’avait pas encore acquis la régularité, la force, la gravité, la souplesse nécessaires à l’histoire. On conçoit que, maniée chaque jour à la tribune et par les esprits les plus puissants, la langue oratoire ait de bonne heure reçu de ces luttes de la parole et du génie un éclat, une vigueur, une abondance que ne lui pouvait donner le lent exercice de la composition, qui convient à l’histoire. L’insuffisance de la langue, c’est donc la une première cause de l’infériorité de l’histoire relativement à l’éloquence ; ce n’est pas la seule. Théocratique et patricienne à sa naissance, Rome conserva soigneusement ses traditions religieuses et politiques. Écrire l’histoire fut un privilège et presque un sacerdoce dont les pontifes et les patriciens voulurent, aussi longtemps qu’ils le purent, rester en possession, comme ils l’étaient de la religion et du droit. Le jour où, sous Sylla, une main d’affranchi tint ce burin de l’histoire que jusque-là des mains nobles avaient seules tenu, ce jour-là ne fut pas regardé comme moins fatal que celui où, par l’indiscrétion d’un Flavius, d’un scribe, avait été révélé le secret des formules. Il y eût enfin à ce retard de l’histoire une dernière cause et non moins profonde.

L’histoire ne se fait pas aussi simplement qu’on pourrait le croire. Le nombre, la grandeur, la variété des événements,