Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/152

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ces avantages seraient éloignés ou incertains, il serait encore du devoir des bons citoyens de venir au secours de la république. En effet, la lâcheté ne rend personne immortel (113), et jamais père n’a désiré pour ses enfants une vie éternelle, mais bien une vie pure et honorable. J’en dirais davantage, Romains, si les paroles pouvaient donner du courage aux lâches. Quant aux braves, j’en ai, je pense, dit assez pour eux (114) ».

LXXXVI. Ainsi parla Marius. Voyant que par sa harangue il a affermi le courage du peuple, il se hâte d’embarquer des vivres, de l’argent, et tous les approvisionnements nécessaires. A la tête de ce convoi, il fait partir son lieutenant Aulus Manlius. Pour lui, il enrôle des soldats, non dans l’ordre des classes, suivant l’ancienne coutume, mais indistinctement, selon qu’ils se présentaient, et prolétaires la plupart, faute, selon les uns, de trouver des riches ; selon d’autres, calcul d’ambition de la part du consul (115), qui devait à cette classe infime de citoyens son crédit et son élévation ; et, en effet, pour qui aspire à la puissance, les plus utiles auxiliaires sont les plus indigents (116), qui, n’ayant rien à ménager, puisqu’ils ne possèdent rien, regardent comme légitime tout ce qui leur vaut un salaire. Marius part pour l’Afrique avec des troupes plus nombreuses même que le décret ne l’avait autorisé, et, en peu de jours, il aborde à Utique. L’armée lui est remise par le lieutenant P. Rutilius. Metellus avait évité la présence de Marius ; il ne voulait pas être témoin de ce dont il n’avait pu supporter la nouvelle