Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/169

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son allié : là, il s’écrie en latin (car il avait appris notre langue devant Numance), que toute résistance de la part des nôtres est inutile, qu’il vient de tuer Marius de sa propre main ; en même temps il fait voir son épée teinte du sang d’un de nos fantassins qu’il avait bravement mis hors de combat. Cette nouvelle, bien plus par l’horreur que par la confiance qu’elle, inspire, jette l’épouvante dans nos rangs. De leur côté, les Barbares sentent redoubler leur courage, et poussent avec une nouvelle ardeur les Romains abattus. Déjà les nôtres étaient presque en fuite, lorsque Sylla, après avoir taillé en pièces le corps qu’il avait eu à combattre, revient et prend les Maures en flanc. Bocchus s’éloigne aussitôt.

Cependant Jugurtha, qui veut soutenir partout les siens, et retenir la victoire, qu’il a pour ainsi dire dans les mains, se voit entouré par notre cavalerie ; tous ses gardes tombent à droite, à gauche ; enfin, seul, il se fait jour au travers de nos traits, qu’il sait éviter. De son côté, Marius, après avoir repoussé la cavalerie, vole au secours des siens, dont il vient d’apprendre l’échec. Enfin les ennemis sont battus de toutes parts. Alors quel horrible spectacle dans ces plaines découvertes ! Les uns poursuivent, les autres fuient ; ici on égorge, là on fait des prisonniers ; hommes, chevaux, gisent abattus ; les blessés, et le nombre en est grand, ne peuvent ni fuir ni supporter le repos ; un instant ils se relèvent avec effort, et retombent aussitôt : aussi loin enfin que la vue peut s’étendre, ce ne sont que monceaux de traits, d’armes et de cadavres ; et dans les intervalles, une terre abreuvée de sang