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SALLUSTE.

phax. Les Carthaginois, de leur côté, s’allièrent avec Gala, et Sophonisbe, fille d’Asdrubal Giscon, fiancée à Masinissa, fut comme le nœud de cette alliance. Masinissa, après avoir ravagé la Numidie de Syphax, et forcé ce prince à s’enfuir en Mauritanie, passe en Espagne à l’armée d’Asdrubal. Syphax en son absence rentra dans ses États, et se rendit à son tour si redoutable aux Carthaginois, que, pour acheter son alliance, ils lui donnèrent en mariage, à l’insu d’Asdrubal, la belle Sophonisbe. Masinissa, qui avait puissamment contribué à la défaite des deux Scipions, outré de cette perfidie, se jeta dans le parti des Romains, et fit alliance avec Scipion l’Africain. Le roi Gala mourut dans l’intervalle : Isalac, le plus âgé de ses frères, lui succéda, selon les lois du royaume. Isalac, que Tite-Live nomme Æsalcès, mourut bientôt après, et eut pour successeur Capusa, son fils aîné, en l’absence de Masinissa ; mais il fut tué par Mezetal, autre prince de la famille royale, qui trouva, dans son alliance avec Syphax et les Carthaginois, l’appui de son usurpation. Masinissa, de retour en Afrique, fit d’abord assez malheureusement la guerre contre Mezetal et Syphax. Réduit à ne plus posséder qu’une montagne vers l’orient de la Numidie, il vécut pendant quelque temps plus en brigand qu’en roi : poursuivi dans son dernier asile par Bocchar, lieutenant de Syphax, il fut dangereusement blessé, n’échappa à ses ennemis qu’en traversant une rivière rapide où l’on crut qu’il s’était noyé, et le bruit de sa mort se répandit en Afrique. Après d’autres vicissitudes, il devint, avec deux mille Numides, l’auxiliaire de Scipion l’Africain, : et contribua à la défaite d’Asdrubal et à la conquête des États de Syphax. Cette partie de la Vie de Masinissa et son funeste hyménée avec Sophonisbe, qui remplissent de si belles pages dans Tite-Live, et qui ont fait le sujet de plusieurs tragédies modernes (du Trissin, de Mairet, de Corneille et de Voltaire, entre autres), sont beaucoup trop connus pour qu’on entre ici dans aucun détail. Après la seconde guerre punique (an 552 de R., 200 av. J.-C.), il fut récompensé par les Romains, comme le dit Salluste. Dès l’an 199, ce prince, assuré de trouver des appuis dans le sénat, porta ses prétentions sur divers cantons limitrophes appartenant aux Carthaginois. Pendant cinquante-deux-ans que dura encore son règne, il leur fit plusieurs fois la guerre, et leur enleva différents territoires. Enfin, l’an 152, il s’arma pour la dernière fois contre eux, et remporta sur eux, l’an 149, une victoire dont le résultat fut de hâter l’exécution du plan que Rome avait formé pour la destruction de Carthage. Quoique âgé de plus de quatre-vingt-dix ans, Masinissa combattit en personne dans cette journée.