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ÉTUDE SUR SALLUSTE.

tion à la façon de Marius et de Sylla, qui, ayant échoué, avait accumulé sur son chef toutes les accusations banales dont on les accable en pareil cas. » Cet éclaircissement que Napoléon désirait sur Catilina, deux historiens ont essayé de le donner[1].

Mais, nous le dirons : leurs raisons ou plutôt leurs hypothèses ne nous ont point convaincu. Catilina a eu, avec ses vices et ses crimes, quelque générosité et quelque grandeur d’âme : soit ; Salluste a recueilli sur lui et sur ses complices quelques bruits populaires et qui ne soutiennent pas la critique, et que d’ailleurs il ne donne que pour des bruits : je le veux ; Cicéron s’est laissé entraîner à quelques exagérations oratoires ; l’on a ajouté aux projets réels de Catilina tous ceux dont on charge les vaincus ; on lui a prêté des crimes gratuits ; eh bien, quand nous accorderions tout cela, et, avec l’histoire, nous ne l’accordons pas, la base même de la conjuration ne serait pas ébranlée ; il n’en resterait pas moins prouvé que Catilina avait résolu le bouleversement de la république sans autre but que le pillage, sans autres moyens que le meurtre et l’assassinat. Cela surprend, et cela est la vérité cependant : Catilina avait formé le projet de mettre Rome à feu et a sang, et il l’avait formé sans un de ces desseins qui certes ne justifient pas, mais qui expliquent les grands attentats, sans un but déterminé, uniquement pour se sauver ou périr dans le naufrage de Rome : conspirateur vulgaire et n’ayant guère de l’ambition que l’audace sans le génie. Non, Catilina n’a pas été calomnié ; s’il l’eut été, comment se fait-il que Salluste, l’ennemi de l’aristocratie et l’ennemi personnel de Cicéron, ait parlé de lui et des siens dans les mêmes termes qu’en a parlé Ciceron ? Mais, dit on, s’il eut réussi, il aurait été loué comme César l’a été : cette supposition n’est malheureusement que trop probable, mais elle

  1. M. Michelet, Hist. romaine, t. II, p. 237 ; M. de Lamartine, César, 1856.