Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/220

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plus spacieux, d’où il battit en retraite. Mais la cavalerie africaine continuait d’inquiéter beaucoup les flancs du bataillon, et même tuait à coups de traits un grand nombre de soldats du centre ; outre que l’ardeur du soleil, la fatigue et la soif achevaient d’abattre les forces des nôtres. Par un coup du ciel inespéré, une grosse pluie qui tomba sur ces entrefaites fut le salut de l’armée romaine. Elle rafraîchit et désaltéra nos troupes, en même temps qu’elle mouilla les armes des ennemis et les rendit inutiles ; car leurs javelots, qu’ils ne retiennent pas comme chez nous avec une courroie, glissaient dans leurs mains et n’avaient plus de force. Leurs boucliers de cuir d’éléphant prenaient l’eau comme une éponge, et devinrent si lourds, qu’il fallut les jeter à terre ; alors l’épouvante se répandît parmi eux, les nôtres reprirent courage, les chargèrent, et les mirent en déroute. Les deux rois prirent la fuite, laissant leurs troupes à la merci des Romains, qui passèrent cinquante mille hommes au fil de l’épée Depuis cette défaite, le roi de Mauritanie ne voulut plus entendre parler de continuer la guerre, et songea à faire sa paix particulière. » (Liv. V, chap. XIV.)

(127). L. Sylla.

Il semble que dans cette guerre de Numidie la fortune, qui voulait punir Marius de son ingratitude envers Metellus son général, ait ménagé à l’heureux Sylla mainte occasion d’éclipser celui dont il était le questeiir, sans jamais cesser de le servir avec dévouement et loyauté. Les deux batailles que vient de peindre Salluste avec tant d’éclat et d’énergie en fournissent la preuve. Dans la première, Marius, surpris d’abord et contraint à reculer, charge son questeur, qui commande la cavalerie, d’occuper une hauteur rafraîchie par une source abondante, et dont la possession, après avoir assuré la retraite et le bien-être des Romains, doit leur procurer pour le lendemain une revanche complète sur les Barbares, qui, se croyant vainqueurs, sont campés négligemment dans la plaine. Quatre jours après, nouveau combat contre lés deux rois africains. Jugurtha, qui se surpasse lui-même, est près d’arracher la victoire aux Romains qui forment le corps de bataille, et auxquels il fait croire que Marius est tué ; mais Sylla, toujours à la tête de la cavalerie, après avoir repoussé l’aile gauche des ennemis, survient en ce moment décisif, prend Bocchus en flanc, le réduit à fuir, et force Jugurtha de se dessaisir d’une victoire qu’il avait pour ainsi dire surprise. Enfin, Marius, qui s’était porté à son avant-garde menacée, revient pour achever l’ouvrage si bien commencé par son lieutenant.