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SALLUSTE.

ter. Ainsi ces deux choses impuissantes, chacune en soi, se prêtent un mutuel secours.

II. Aussi, dans l’origine des sociétés (4), les rois (premier nom qui sur la terre ait désigné le pouvoir), se livrant à des goûts divers, exerçaient, les uns leur esprit, les autres leur corps. Alors la vie des hommes était exempte de convoitise : chacun était content de ce qu’il possédait. Plus tard, depuis qu’en Asie Cyrus, en Grèce les Lacédémoniens et les Athéniens, eurent commencé à subjuguer des villes et des nations, à trouver dans l’amour de la domination un motif de guerre, et à mesurer la gloire sur l’étendue des conquêtes, l’expérience et la pratique firent enfin comprendre que dans la guerre le génie obtient la principale influence. Si les rois et les chefs de nations voulaient déployer dans la paix la même force d’âme que dans la guerre, les affaires humaines seraient sujettes à moins de variations et d’instabilité ; on ne verrait pas les états passer d’une main à l’autre, et n’offrir que changement et confusion : car la puissance se conserve aisément par les mêmes moyens qui l’ont établie. Mais, dès que, prenant la place de l’activité, de la tempérance et de la justice, la mollesse, la débauche et l’orgueil se sont emparés de l’âme, avec les mœurs change la fortune, et toujours le pouvoir passe du moins habile au plus capable. Agriculture, marine, constructions, tous les arts sont le domaine de l’intelligence. Cependant une foule d’hommes livrés à leurs sens et au sommeil, sans instruction, sans culture, ont traversé la vie comme des voyageurs. Pour eux, con-