Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/23

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en relief ; tout est lié, nuancé, fondu avec un art d’autant plus louable, qu’il est moins apparent. Les portraits y sont encadrés et développés avec moins de faste et d’affectation[1]. »

Maintenant que nous avons examiné les deux chefs-d’œuvre de Salluste, la Conjuration de Catilina et la Guerre de Jugurtha, que faut-il penser des deux préfaces qui leur servent d’introduction ? Je le sais : l’opinion générale les condamne, et elle les peut condamner à deux titres : au nom de l’art, au nom de la morale ; au nom de l’art, comme un préambule déplacé, qui ne conduit pas à l’ouvrage et n’y tient pas ; au nom de la morale, comme hypocrisie de l’homme vicieux qui se couvre du langage et du masque de la vertu. Examinons-les donc à ce double point de vue.

On passe plus volontiers condamnation sur la préface du Catilina ; et, en effet, si elle ne se rattache pas étroitement à l’ouvrage, elle n’a pas la prétention d’y servir d’introduction ; c’est tout simplement un avant-propos, une confidence que l’auteur fait au lecteur sur les motifs qui l’ont déterminé à écrire, sur les dispositions qu’il y veut apporter ; une digression aussi, si l’on veut, sur l’étude, une espèce de profession de foi littéraire enfin, qui, considérée à part de l’ouvrage, comme elle le doit être, non seulement n’a rien qui choque le goût, mais qui au contraire charme et plaît par un certain abandon et des détails que l’on regrette de ne pas trouver plus souvent dans les auteurs anciens. Combien ne serait-on pas heureux que Tacite nous eut ainsi mis dans le secret de son âme et de ses pensées ! Il est moins facile, je l’avoue, de justifier le préambule du Jugurtha. C’est évidemment, dit-on, un morceau déplacé, une pièce à effet ou, sans nécessité aucune, Salluste se met en scène, et où, en se faisant à contre-temps moraliste, il ne blesse pas seu-

  1. Dassault. Annales littéraires, t. III, p. 18.