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CONJURATION DE CATILINA

de joie et de débauche, qu’avait fait naître une longue tranquillité, succède tout à coup une tristesse profonde. On court, on s’agite : plus d’asile, plus d’homme auquel on ose se confier : sans avoir la guerre, on n’a plus la paix ; chacun mesure à ses craintes l’étendue du péril. Les femmes, que la grandeur de la république n’avaient point accoutumées aux alarmes de la guerre, on les voit se désoler, lever au ciel des mains suppliantes, s’apitoyer sur leurs petits enfants, interroger chacun, s’épouvanter de tout, et, oubliant le faste et les plaisirs, désespérer d’elles et de la patrie. Cependant l’âme implacable de Catilina n’en poursuit pas moins ses projets, malgré ces préparatifs de défense, et bien que lui-même, en vertu de la loi Plautia (75), eût été interrogé par L. Paulus (76). Enfin, pour mieux dissimuler (77), et comme pour se justifier en homme provoqué par une accusation injurieuse, il se rend au sénat. Alors le consul M. Tullius, soit qu’il craignît la présence de Catilina, soit qu’il fût poussé par la colère, prononça un discours lumineux (78), et qui fut utile à la république ; il l’a publié depuis. Dès que Cicéron se fut assis, Catilina, fidèle à son rôle de dissimulation, les yeux baissés, d’une voix suppliante, conjura les sénateurs « de ne rien croire légèrement sur son compte : la noble maison dont il était sorti, la conduite qu’il avait tenue dès sa première jeunesse, lui permettant d’aspirer à tout (79), ils ne devaient pas penser qu’un patricien qui, à l’exemple de ses ancêtres, avait rendu de grands services au peuple romain, eût intérêt à la perte de la république, tandis qu’elle aurait pour sauveur M. Tullius, citoyen tout nouveau