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SALLUSTE.

d’une naissance illustre, d’une immense richesse, d’un crédit sans bornes, les uns se récrièrent sur l’invraisemblance d’une telle dénonciation ; les autres, tout en la croyant fondée, jugèrent néanmoins que, dans un pareil moment, il fallait plutôt ménager qu’aigrir un citoyen si redoutable : la plupart étaient, pour leurs affaires particulières, dans la dépendance de Crassus. Tous donc de proclamer Tarquinius « faux témoin » et de demander qu’il en soit délibéré. Cicéron recueille les votes : le sénat, ce jour-là très nombreux, décrète « que la dénonciation de Tarquinius esl évidemment fausse, qu’il sera retenu dans les fers, et qu’il ne recouvrera sa liberté que lorsqu’il aura fait connaître par le conseil de qui il avait avancé une si énorme imposture ».

Quelques-uns ont cru, dans le temps, que P. Autronius avait fabriqué cette accusation, dans l’espoir que, si Crassus se trouvait compromis, dans un commun danger il couvrirait les conjurés de sa puissance. Selon d’autres, Tarquinius avait été mis en jeu par Cicéron, qui voulut ainsi empêcher que Crassus, en se chargeant, selon sa coutume, de la cause des coupables, n’excitât des troubles dans la république. Et j’ai moi-même entendu plus tard Crassus dire hautement qu’un si cruel affront lui avait été ménagé par Cicéron.

XLIX. Cependant Q. Catulus (101) et C. Pison ne purent alors, ni par leur crédit, ni par leurs instances, ni à force d’argent, engager Cicéron à se servir des Allobroges, ni d’aucun autre délateur, pour accuser faussement C. César. Tous deux, en effet, étaient ses ennemis déclarés : Pison, depuis qu’il avait