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Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/282

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SALLUSTE.

qu’en outre elle avait souvent éprouvé les coups de la fortune ; enfin que les Grecs en éloquence, les Gaulois dans l’art militaire, avaient surpassé les Romains. Après beaucoup de réflexions, il est demeuré constant pour moi que c’est à l’éminente vertu d’un petit nombre de citoyens (122) que sont dus tous ces exploits : par là notre pauvreté a triomphé des richesses, et notre petit nombre de la multitude.

Mais, après que le luxe et la mollesse eurent corrompu notre cité, ce fut par sa grandeur seule que la république put supporter les vices de ses généraux, et de ses magistrats ; et, comme si le sein de la mère commune eût été épuisé (123), on ne vit plus, pendant bien des générations, naître à Rome d’homme grand par sa vertu. Toutefois, de mon temps, il s’est rencontré deux hommes de haute vertu, mais de mœurs diverses, M. Caton et C. César ; et, puisque le sujet m’en a fourni l’occasion, mon intention n’est point de les passer sous silence, et je vais, autant qu’il est en moi, faire connaître leur caractère et leurs mœurs (124).

LIV. Chez eux donc la naissance, l’âge (125), l’éloquence, étaient à peu près pareils : grandeur d’âme égale, et gloire aussi, mais sans être la même. César fut grand par ses bienfaits et sa générosité ; Caton, par l’intégrité de sa vie. Le premier s’était fait un nom par sa douceur et par sa clémence ; la sévérité du second avait ajouté au respect qu’il commandait. César, à force de donner, de soulager, de pardonner, avait obtenu la gloire ; Caton, en n’accordant rien. L’un était le refuge des malheureux ; l’autre, le fléau des méchants. La facilité de celui-là, la fermeté de celui-ci, étaient également vantées.