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Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/30

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vant si restreint, a préparé, dans la paix romaine, la formation d’un nouveau monde ? On pourrait pencher à ce sentiment. Mais, d’un autre côté, en voyant, sous les empereurs, l’esprit se retirer du monde, la raison s’affaiblir, la dignité humaine se dégrader, l’empire lui-même s’abîmer sous les hontes, les folies, les cruautés du despotisme, et la civilisation aboutir par la servitude à la barbarie, on se prend a regretter cette liberté qui donnait aux âmes de l’énergie, de la grandeur aux caractères, de l’activité aux intelligences, à la parole une tribune, et qui, pendant tant de siècles, fit, avec la prospérité de Rome, sa gloire au dedans, sa force au dehors.

Mais ces Lettres sur le gouvernement sont-elles véritablement de Salluste ? question par où j’aurais dû commencer. La majorité des commentateurs s’est prononcée pour lui ; deux seuls ont protesté, et, le dirai-je ? j’inclinerais à leur opinion. Quoi qu’il en soit, peut-être ne faudrait-il pas, comme on l’a fait quelquefois, donner à ces lettres une trop grande importance historique. Démagogue furieux, tribun turbulent, devenu le flatteur de César, quelle créance pourrait d’ailleurs mériter Salluste ?

Dans l’intervalle qui s’écoula depuis l’an 710 jusqu’a sa mort, Salluste composa deux derniers ouvrages, l’Histoire de Rome depuis la mort de Sylla et la Description du Pont-Euxin. De ce dernier ouvrage il ne nous reste rien ; nous avons de la grande histoire des fragments précieux, recueillis, classés avec autant de soin que de discernement par le président de Brosses, mais d’après lesquels nous ne pouvons apprécier le travail de Salluste : matière de regrets, plutôt que texte de jugement.

Cette revue des ouvrages de Salluste achevée, nous devons, pour la couronner, recueillir, peser les jugements qui ont été portes sur lui par les anciens et par les modernes : les critiques d’abord, puis les éloges.