Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/32

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à son tour, tout en admirant Corneille, Voltaire a pu relever ses défauts et ses incorrections ; non toutefois peut-être sans un peu de cette humeur dont Tite-Live n’a pas non plus été exempt à l’égard de Salluste. Quoi qu’il en soit, en résumant ces jugements divers sur Salluste, ils se réduisent à ceci : archaïsme et imitation.

Le reproche d’archaïsme fait à Salluste porte en quelque sorte sur deux points : on le condamne au nom du goût ; on le condamne aussi au nom de la sincérité, si je puis ainsi parler ; on veut qu’en affectant d’employer les expressions et les tours de l’ancienne langue latine, Salluste ait eu l’intention de se donner par la un vernis d’antique rigidité, une apparence de moralité qu’il n’avait pas. Je ne crois guère a cette hypocrisie de Salluste sous forme littéraire. Cette recherche des tours et des expressions d’un autre âge était tout simplement en lui une affaire de goût particulier, semblable à ce retour qui, sous Marc-Aurèle, se fit dans les esprits vers l’ancienne littérature, et dont nous avons, dans les lettres de Fronton, de curieux témoignages ; c’était aussi l’influence du pays où il était né. La Sabine était une rude contrée et qui communiquait aux esprits quelque chose de l’âpreté de ses montagnes : Varron a, comme Salluste, quelque chose d’inculte, et qui tient plus de la langue de Caton que de celle de Cicéron.

Cependant, il est vrai, Salluste a imité Caton ; cette imitation s’explique assez naturellement. Caton est le seul, nous l’avons vu, qui, avant Salluste, eut dans ses Origines, imprimé à l’histoire un cachet profond d’originalité [1]. C’est lui qui, le premier, précurseur de Plutarque, a raconté l’histoire nationale en vue de l’histoire grecque, en vue de l’histoire romaine, opposant la gloire du peuple romain à celle de ses rivaux. Le seul fragment un peu étendu qui

  1. Cato, romani generis disertissimus. Salluste, Fragments.