Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/326

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tion de la jeunesse une direction morale, qu’on rétablisse les bonnes mœurs qu’on a détruites, ou du moins qu’on diminue la cupidité des richesses. Tous conseils fort sages assurément, et dont quelques-uns ont été mis en pratique par César ; mais qui les donne ? est-ce le spoliateur de l’Afrique ; l’homme qui avait dilapidé les deniers du fisc et ceux des particuliers ? Oui, c’est bien le même personnage ; c’est le sénateur, chassé du sénat pour ses désordres ; c’est aussi le tribun factieux qui, de démagogue devenu partisan du pouvoir, en même temps qu’il parle des moyens de rétablir la liberté de Rome, conseille à César de transformer la république en monarchie, et s’emporte par avance contre ceux à qui ce changement pourrait ne pas agréer : « Je ne l’ignore pas, dit-il, quand ce changement s’opérera, les nobles deviendront furieux, indignés qu’ils seront que tout soit ainsi confondu, et qu’une telle servitude soit imposée aux citoyens. » Les nobles qui, pour renverser la tyrannie que Salluste encourageait, eussent, selon son expression, excité des tempêtes, n’auraient-ils pas bien plus naturellement invoqué, pour justifier leur conduite, cette même liberté, que ne l’invoquait Salluste pour justifier la domination de César ?

La seconde lettre fut évidemment écrite après la bataille de Pharsale, peut-être même après l’entier achèvement de la guerre civile. L’auteur s’attache à montrer à César les difficultés qui doivent naître sous ses pas, à mesure qu’il voudra affermir sa puissance ; ce qu’il y a à craindre, ce n’est plus la paix, mais la guerre. Pour sortir heureusement de cette position périlleuse, il doit calmer les haines, faire taire ses propres vengeances : la clémence, en ramenant la concorde, peut seule assurer l’existence de la république. À ces conseils de modération, Salluste joint des avis plus pratiques : il veut que l’on augmente le nombre des sénateurs, et qu’on établisse le scrutin secret ; il s’élève de nouveau contre la fureur des richesses et demande qu’on abolisse l’usure pour l’avenir.

Deux commentateurs, Cortius et Carrion, ont, nous l’avons dit, contesté à Salluste ce titre littéraire. Carrion en a donné pour preuve qu’aucun grammairien n’a cité ces deux Lettres. Mais ce silence n’est pas très-concluant ; car, quand la Grande Histoire de Salluste, quand son Catilina et son Jugurtha fournissaient