Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/34

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presque des larcins. Mais, si nous ne la possédons plus, cette Histoire, nous avons Thucydide ; or, franchement, à part quelques pensées, quelques tours qu’il en a tirés, en quoi Salluste est-il la copie de Thucydide ? Tous deux, il est vrai, se ressemblent par la concision, par la profondeur un peu obscure de la pensée ; tous deux aiment le relief de l’expression et la recherche du tour ; mais c’est la une conformité naturelle de leurs esprits : ils se sont rapprochés parce qu’ils se ressemblaient ; Thucydide a pu avertir Salluste de son génie ; ce génie, égal au sien, il ne l’a pas fait ; singulier imitateur que quelques-uns, à tort, selon moi, préfèrent à l’original ! « Bien que le principal mérite de Thucydide, dit Sénèque le rhéteur, consiste dans la brièveté, Salluste le surpasse encore sur ce point et l’a vaincu en quelque sorte sur son propre terrain. Quelque précise que soit phrase de l’auteur grec, on peut, sans en altérer le sens, ôter quelque chose ; mais, dans Salluste, supprimez un mot, et le sens est détruit, » Salluste, tout en imitant, a donc été original ; il a poli et enrichi la langue latine ; et mérité cet éloge que lui donne un grammairien, d’avoir été un createur : Verborum novator.

Voila pour les critiques ; quant aux éloges, ils abondent : Velleius Paterculus [1] met Salluste au niveau de Thucydide et au-dessus de Tite-Live ; Tacite se fait gloire de l’imiter, et le déclare le plus brillant auteur des annales romaines [2]. Quintilien le place sur la même ligne que Thucydide ; il l’appelle historien d’un ordre plus élevé ; c’est, dit-il, avoir profité que de pouvoir le comprendre [3] ; Martial met Salluste au-dessus de toute comparaison :

Hic erit, ut perhibent doctorum corda virorum,

Primus romana Crispus in historia.

  1. Aaemulumque Thucydidis Sallustium, lib. II.
  2. Rerum romanarum florentissimus auctor, Ann., lib. III, 30.
  3. Lib, II, c. V.