Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/35

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Tels sont, en mal et en bien, les jugements des anciens sur Salluste. Les modernes s’y sont en général tenus, penchant du reste du côté de l’éloge plutôt que vers celui du blâme. Le blâme cependant s’est rencontré. Un savant, Gruter, a contesté à Salluste cette brièveté que tous les anciens ont louée en lui [1]. Selon Gruter, on pourrait, qui le croirait ? retrancher au moins cinquante mots dans chacune des pages de Salluste, sans que le sens fut altéré ; et, par un éloge qui revient presque à la critique de Gruter, Jules Scaliger, de paradoxale mémoire, a donne à Salluste la qualification du plus nombreux des historiens. Une critique attentive a vu aussi « quelquefois percer l’affectation dans ces incises si rapides et si vigoureuses, dans ces traits si tranchants et si heurtés que poursuit sans cesse le génie ardent de Salluste ; » mais Lamothe-Levayer, Saint-Evremont, s’accordent à reconnaître dans Salluste un écrivain de génie, et semblent, comme les anciens, le préférer à Tite-Live et à Tacite, ainsi qu’on l’a fait plus récemment. « Salluste, dit M. Dussault, est l’écrivain le plus précis, le plus concis qu’ait produit la littérature latine, sans en excepter Tacite lui-même. Son goût est plus pur que celui de l’historien des empereurs, son expression plus franche, sa pensée plus dégagée de toute subtilité. » Si cette préférence donnée à Salluste était simplement une affaire de goût, nous n’aurions rien à dire ; on peut en effet, selon le tour de son esprit, préférer Salluste a Tite-Live ou à Tacite, mais nous craignons que la supériorité attribuée à Salluste sur ses rivaux par le critique que nous venons de nommer ne soit pas purement une impression littéraire.

Nous lisons dans la préface d’un traducteur de Tacite à même d’être bien informé (il était neveu de M. Suard) : « Peu après la victoire d’Austerlitz, le 30 janvier 1806, l’Institut

  1. Subtilissimus brevitatis artifex. Aul. Gell. III, 1.