Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/498

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maison de Tibur, que Salluste acheta de la succession de César. D’un autre côté, le prétendu Salluste maltraite beaucoup la femme de Cicéron ; il y parle de sa fille comme d’une personne vivante, et ne la traite pas mieux. Or tout ceci se contrarie visiblement. En 709, Terentia n’était plus la femme de Cicéron, mais bien de Salluste lui-même, qui n’aurait pas parlé de ce ton-là sur la vie passée de sa femme. Tullie mourut en 708, et César ne fut assassiné qu’en 710. Enfin, une dernière preuve de l’ignorance du déclamateur et de la fausseté de ces pièces se tire de ce qu’il y est question de vols faits par Salluste dans son gouvernement, et qu’il semble néanmoins que, dans le temps où l’on parle, il fut encore banni du sénat par ordonnance des censeurs. Dès lors, y est-il dit, nous ne l’avons plus revu ; cependant Salluste rentra au sénat plusieurs années avant d’avoir le gouvernement de Numidie.

Évidemment donc ces deux diatribes ne sont pas authentiques ; toutefois, comme témoignage historique, elles ne sont pas sans valeur. En effet, si elles ne sont contemporaines de Salluste et de Cicéron, elles ont certainement été écrites peu de temps après la mort de ces deux personnages ; elles sont un reflet fidèle de l’opinion populaire qui aimait à s’entretenir de ces grandes haines de l’historien et de l’orateur, haines qui n’étaient pas seulement un profond dissentiment particulier, mais l’expression de deux partis : le parti de César et celui de la république. Au point de vue littéraire, elles offrent aussi quelque intérêt, car elles appartiennent à ce moment incertain et brillant encore des lettres latines où l’éloquence et la liberté, bannies du Forum, s’étaient réfugiées dans les écoles des rhéteurs ; où Sénèque le père, par la bouche de ses élèves, maudissait les tyrans, et exaltait le courage de Labiénus, qui, fidèle à Pompée, alors même que le calme de l’empire avait amorti toutes les résistances, et privé de cette liberté qui était dans son caractère et dans son génie, s’ensevelit, en quelque sorte volontairement, au milieu de ces flammes auxquelles, premier exemple de la violence exercée sur la pensée, en avait condamné ses ouvrages[1].

  1. Acimus per vitia ingens, et ad similitudinem ingenii sui violentus, et qui Pompeianos spiritus nondum in tanta pace posuisset. In hunc pri-