Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/511

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IV. Non, il n’est point surprenant que j’aie mérité la bienveillance de mes concitoyens : je ne me suis jamais fait l’esclave de personne, et mes services n’ont jamais été mis à prix ; mais, suivant ce que chaque citoyen avait fait pour la république, il devenait mon ami ou mon ennemi. Tous mes efforts tendaient à faire prévaloir la concorde ; d’autres nourrissaient de coupables espérances parmi le peuple. Je n’ai jamais craint que les lois ; d’autres voulaient qu’on ne redoutât que leur épée. Je n’ai jamais ambitionné le pouvoir que pour vous ; plusieurs d’entre vous, se confiant dans leur puissance, ont abusé contre vous de leurs forces. Ne soyez donc point étonnés si j’ai dédaigné l’amitié de quiconque ne s’est point montré l’ami constant de sa patrie. Je ne me repens ni d’avoir prêté mon ministère à Vatinius, qui, traduit en justice, me l’avait demandé, ni d’avoir gourmandé la patience de Bibulus, ni d’avoir réprimé l’insolence de Sextius, ni d’avoir applaudi aux vertus de César : tout bon citoyen en serait loué et mériterait de l’être. Si toutes ces actions sont à tes yeux des vices, tu seras puni de ta témérité ; car de pareils vices ne trouveront jamais de censeurs. J’en dirais davantage, si j’avais à me justifier devant d’autres que vous, pères conscrits, vous que j’ai toujours eus pour régulateurs de ma conduite. Au reste, quand les faits parlent, l’orateur doit se taire.

V. Or maintenant, Salluste, pour en revenir à toi, j’éviterai de parler de ton père : sa vie fut sans doute irréprochable ; toutefois il fit une cruelle injure à la république, lorsqu’il engendra un fils tel que toi. J’éviterai aussi de parler de ton