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Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/71

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SALLUSTE.

justice. Mais aujourd’hui, banni de ma patrie, de mon palais, sans suite, dépourvu des marques de ma dignité, où diriger mes pas ? à qui m’adresser ? à quelles nations, à quels rois, quand votre alliance les a tous rendus ennemis de ma famille ? Sur quel rivage puis-je aborder où je ne trouve encore les marques multipliées des hostilités qu’y portèrent mes ancêtres ? Est-il quelque peuple qui puisse compatir à mes malheurs, s’il a jamais été votre ennemi ?

Telle est, en un mot, sénateurs, la politique que nous a enseignée Masinissa : « Ne nous attacher qu’au peuple romain, ne point contracter d’autres alliances, ni de nouvelles ligues : alors nous trouverions dans votre amitié d’assez puissants appuis, ou si la fortune venait à abandonner votre empire, c’était avec lui que nous devions périr ». Votre vertu et la volonté des dieux vous ont rendus puissants et heureux ; tout vous est prospère, tout vous est soumis. Il ne vous en est que plus facile de venger les injures de vos alliés. Tout ce que je crains, c’est que l’amitié peu éclairée de quelques citoyens pour Jugurtha n’égare leurs intentions. J’apprends qu’ils n’épargnent ni démarches, ni sollicitations, ni importunités auprès de chacun de vous, pour obtenir que vous ne décidiez rien en l’absence de Jugurtha, et sans l’avoir entendu. Suivant eux, mes imputations sont fausses, et ma fuite simulée : j’aurais pu demeurer dans mes États. Puissé-je, ô ciel ! voir le parricide auteur de toutes mes infortunes réduit à mentir de même ! Puissiez-vous, quelque jour, vous et les dieux immortels, prendre souci des affaires humaines ! Et cet homme si fier de l’élévation