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SALLUSTE.

qu’il doit à ses crimes, désormais en proie à tous les malheurs ensemble, expiera son ingratitude envers notre père, l’assassinat de mon frère et les maux qu’il m’a faits.

Faut-il le dire, ô mon frère chéri ! si la vie te fut sitôt arrachée par la main qui devait le moins y attenter, ton sort est à mes yeux plus digne d’envie que de regrets. Avec l’existence, ce n’est pas un trône que tu as perdu : tu as échappé aux horreurs de la fuite, de l’exil, de l’indigence, et de tous les maux qui m’accablent. Quant à moi, malheureux, précipité du trône de mes ancêtres dans un abîme d’infortunes, je présente au monde le spectacle des vicissitudes humaines. Incertain du parti que je dois prendre, poursuivrai-je ta vengeance, privé moi-même de toute protection ? Songerai-je à remonter sur mon trône, tandis que ma vie et ma mort dépendent de secours étrangers ? Ah ! que la mort n’est-elle une voie honorable de terminer ma destinée ! Mais n’encourrais-je pas un juste mépris, si, par lassitude de mes maux, j’allais céder la place à l’oppresseur ? Je ne peux désormais vivre avec honneur ni mourir sans honte. Je vous en conjure, sénateurs, par vous-mêmes, par vos enfants, par vos ancêtres, par la majesté du peuple romain, secourez-moi dans mon malheur, opposez-vous à l’injustice, et puisque le trône de Numidie vous appartient, ne souffrez pas qu’il soit plus longtemps souillé par le crime et par le sang de notre famille ».

XV. Après qu’Adherbal eut cessé de parler, les ambassadeurs de Jugurtha, comptant plus sur leurs largesses que sur la bonté de leur cause, répondirent en peu de mots qu’Hiempsal avait