Page:Œuvres complètes du Marquis de Sade, tome 13, édition définitive (extrait), 1973.djvu/7

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que des transmutations et point d’extinction. Or la perpétuité du mouvement dans elle anéantit toute idée d’un moteur.

(4)

Rendons-nous indistinctement à tout ce que les passions nous inspirent, et nous serons toujours heureux. Méprisons l’opinion des hommes : elle n’est que le fruit de leurs préjugés. Et quant à notre conscience, ne redoutons jamais sa voix lorsque nous avons pu l’assouplir : l’habitude aisément la réduit au silence et métamorphose bientôt en plaisir les plus fâcheux souvenirs. La conscience n’est pas l’organe de la nature ; ne nous y trompons pas, elle n’est que celui des préjugés : vainquons-les, et la conscience sera bientôt à nos ordres. Interrogeons celle du sauvage, demandons-lui si elle lui reproche quelque chose. Quand il tue son semblable et qu’il le dévore, la nature semble parler en lui ; la conscience est muette ; il conçoit ce que les sots appellent le crime, il l’exécute ; tout se tait, tout est tranquille, et il a servi la nature par l’action qui plaît le mieux à cette nature sanguinaire dont le crime entretient l’énergie et qui ne se nourrit que de crimes.

(5)

Et comment pourrions-nous être coupables quand nous ne faisons qu’obéir aux impressions de la nature ? Les hommes, et les lois qui sont l’ouvrage des hommes, peuvent nous considérer comme tels, mais la nature jamais. Ce ne serait qu’en lui résistant que nous pourrions être coupables à ses yeux. Tel est le seul crime possible, le seul dont nous devions nous abstenir.

(6)

Aussitôt qu’il est démontré que le crime lui plaît, l’homme qui la servira le mieux sera nécessairement celui qui donnera le plus d’extension ou de gravité à ses crimes, en observant que l’extension lui plaît mieux encore que la gravité, car le meurtre ou le parricide, quelque différence qu’y établissent les hommes, sont absolument la même chose à ses yeux. Mais celui qui aura commis le plus de désordres dans l’univers lui plaira toujours bien davantage que celui qui se sera arrêté au premier pas. Que cette vérité mette bien à l’aise ceux qui