« Ton amour sombrerait en mon cœur vaste et vide,
Vaisseau royal perdu parmi les mers profondes ;
J’ai pris les clairs bonheurs avec ma main avide
Et maintenant je sais la vanité des mondes. »
L’air glorieux frémit d’un rhythme de cantique
Et dans le jardin clos, riche de fleurs hautaines,
C’est un moine souillé de la cendre mystique
Qui parle, l’œil ardent d’espérances certaines :
« Puisque tu veux fuir le mauvais bruit
Du bonheur charnel et de la vie,
Que les beaux vergers n’ont pas de fruit
Pour calmer ta soif inassouvie,
« Partons ! sous le ciel des durs étés
Viens t’agenouiller en Galilée.
Nous engloutirons tes sens domptés
Dans une prière immaculée.
« Les hommes impurs sont engourdis
Dans le long hiver des jours prospères.
Viens ! nous monterons en paradis
Par d’âpres sentiers pleins de vipères. »
Regardant en ses mains pâlir des fleurs blessées
Elle répond : « C’est vrai, ces demeures sont viles ;
Je suis si lasse de la chair et des pensées.
Pourtant je n’ose pas m’enfuir aux saintes villes.
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