Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/244

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bientôt qu’ils sont du fond du même avis et qu’ils ne différent que par les expressions, quoique ces deux hommes, abandonnes à eux-mêmes, ne puissent parvenir à s’accorder à l’aide d’une bonne définition. Or, si, maigre la très légère différence qui peut se trouver entre les jugements humains, un homme peut avoir assez d’avantage a cet égard sur d’autres hommes pour faire sur eux une telle observation, il est naturel de penser que Dieu, qui du haut des cieux scrute tous les cœurs et lit dans tous les esprits, voit encore plus souvent une même opinion dans deux assertions ou les hommes, dont le jugement est si faible, croient voir deux opinions différentes, et qu’il daigne accepter l’une et l’autre également Saint-Paul nous donne une très juste idée des controverses de ce genre et de leurs effets, par l’avertissement et le precepte qu’il offre a ce même sujet. Évitez, dit-il, ce profane néologisme qui donne lieu a tant d’altercations, et ces vaines disputes de mots qui usurpent le nom de science. Les hommes se créent a eux-mêmes des oppositions et des sujets de dispute où il n’y en a point, disputes qui n’ont d’autre source que cette trop grande disposition à imaginer de nouveaux termes dont on fixe la signification de manière qu’au lieu d’ajuster les mots à la pensée c’est au contraire la pensée qu’on ajuste aux mots

Or il y a aussi deux especes de paix et d’unité qu’on doit regarder comme fausses l’une est celle qui a pour fondement une Ignorance implicite, car toutes les couleurs s’accordent, ou plutôt se confondent dans les ténèbres L’autre est celle qui a pour base l’assentiment direct, formel et positif a deux opinions contradictoires sur les points essentiels et fondamentaux. La vérité et l’erreur sur des points de cette nature peuvent être comparees au fer et a l’argile dont étaient composes les doigts des pieds de la statue que Nabuchodonosor vit en songe on peut bien les faire adhérer l’une à l’autre, mais il est impossible de les incorporer ensemble.

Quant aux moyens et aux dispositions dont l’unité peut être l’effet, les hommes, en s’efforçant de rétablir ou de maintenir cette unité, doivent bien prendre garde de donner atteinte aux lois de la charité ou de violer les lois fondamentales de la société humaine Il est parmi les chrétiens deux sortes d’épées l’une spirituelle et l’autre temporelle, épées dont chacune, ayant sa destination et sa place, ne doit en conséquence être employée qu’a propos a maintenir la religion, mais dans aucun cas on ne doit employer la troisième, savoir celle de Mahomet, je veux dire qu’il ne faut jamais propager la religion par la voie des ormes, ni violenter les con-