Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/52

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corrigée. Les uns, d’assez bonne foi, craignent un peu que ces recherches si approfondies ne passent les limites prescrites par la discrétion et la prudence, et cette crainte vient de ce que, traduisant a leur manière et tordant indignement les passages de l’Écriture-Sainte qui ont pour objet les divins mystères seulement, et ne s’adressant qu’a ceux qui veulent scruter les secrets de Dieu même, ils appliquent ces passages aux mystères de la nature qu’il n’est point défendu de vouloir penetrer, et qui ne sont point sous l’interdit d’autres, plus rusés et qui y pensent à plus d’une fois, trouvent au bout de leurs calculs que si les causes et les moyens restaient inconnus, il serait plus aisé de tout mettre sous la main et sous la verge divine, disposition qui, selon eux, importe fort à la religion, mais tenir un tel langage c’est vouloir gratifier Dieu par le mensonge. D’autres encore craindraient que par la force de l’exemple les mouvements et les innovations qui pourraient avoir lieu dans la philosophie ne se communiquassent à la religion, et ne finissent par y occasionner une révolution D’autres enfin semblent craindre qu’au bout de toutes ces recherches sur la nature on ne rencontre tôt ou tard quelque fait ou quelque principe qui vienne à renverser la religion, ou du moins à l’ebranler, surtout dans l’esprit des Ignorants Mais ces deux dernières craintes ont je ne sais quoi qui ressemble a la manière de raisonner des animaux. Il semble que ces gens-la dans le plus secret de leurs pensées, doutent un peu de la vérité de la religion et de l’empire de la foi sur les sens, et voilà sans doute pourquoi la recherche des vérités qui ont pour objet les opérations de la nature leur paraît si dangereuse. Mais aux yeux de tout homme qui a sur ce sujet des idees saines, la philosophie naturelle est, après la parole de Dieu, le préservatif le plus sûr contre la superstition et l’aliment de la foi le mieux éprouvé. Ainsi c’est avec raison qu’on la donne à la religion comme la suivante la plus fidèle qu’elle puisse avoir, l’une manifestant la volonté de Dieu et l’autre sa puissance. Un personnage sans doute qui ne s’abusait pas lui-même, c’est celui qui a dit « Vous vous abusez, Ignorant les Écritures et la puissance d’un Dieu, » manant ainsi et unissant par un lien indissoluble l’information sur la volonté de Dieu à la contemplation des effets de sa puissance.Au reste, doit-on s’étonner de voir les progrès de la philosophie arrêtés lorsqu’on voit la religion passer ainsi et etre comme entrainée du côté oppose par l’imprudence et le zele inconsidéré de certaines gens ? Et ce n’est pas tout, dans les coutumes et les institutions