Page:Œuvres de Barthélemy et Méry, tome 3, 1831.djvu/27

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ses mirages, ses vents poétiques, sa végétation puissante et sa merveilleuse aridité. Mais nous ne voyions partout que des tableaux, nulle part l’action d’une épopée ; nous cherchions une Iliade là où nous ne pouvions trouver qu’une Odyssée militaire. Se jeter dans l’imitation des anciens, c’était folie ; les larges proportions de l’épopée sont si effrayantes ! Et d’ailleurs, notre littérature marchait à pas de géant sur des routes nouvelles tracées par le génie : de quel œil de juste pitié n’aurait-on pas regardé notre enfer, notre paradis, nos enchantemens, nos fades amours, et surtout notre merveilleux, si nous avions été assez mal avisés pour en mettre dans un sujet où la réalité est plus merveilleuse que la fiction ? Le destin de l’inconnu poëte Aubert était pour nous un grand sujet d’effroi ; c’était un professeur de rhétorique sous l’Empire, qui fit sur la campagne d’Égypte son épopée en douze chants, d’après les règles de M. de La Harpe ; l’unité d’action et de lieu y est religieusement observée ; batailles, voyages, expédition de Syrie, tout se passe autour des murs du Caire ; chaque général français y brûle pour une Zoraïde ou une Aménaïde ; on y trouve un récit, une conjuration diabolique, une forêt enchantée et une descente aux enfers : c’est un travail complet, mais qui n’est plus dans nos mœurs littéraires.

Placé devant ces considérations, deux partis restaient