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ŒUVRES

ce que nous y habitons, nous avons quelques expériences sur lesquelles nous fondons nos principes.

Car il se peut faire[1] que la pesanteur est une qualité qui réside dans le corps mesme qui tombe ; peut-estre qu’elle est dans un autre, qui attire celuy qui descend, comme dans la terre. Il se peut faire aussi et est fort vraysemblable que c’est une attraction mutuelle ou un désir naturel que les corps ont de s’unir ensemble, comme il est clair au fer et à l’aimant, lesquels sont tels que, si l’aimant est arresté, le fer n’estant point empesché l’ira trouver. Si le fer est arresté, l’aimant ira vers luy, et, si tous deux sont libres, ils s’approcheront réciproquement, en sorte toutes fois que le plus fort des deux fera le moins de chemin.

Or, de ces trois causes possibles de la pesanteur, les consequences seront fort différentes, ce que nous ferons connoistre en les examinant icy l’une après l’autre.

En premier lieu, si la première est vraie selon l’opinion commune, nous ne voyons pas que votre principe puisse subsister : car, sur ce subjet, le sens commun nous dit qu’en quelque lieu que soit un poids[2], il pese toujours également, ayant tousjours la mesme qualité qui

  1. En d’autres termes, on peut regarder la force, soit comme une qualité interne résidant dans les corps, soit comme la cause externe du mouvement (Cf. l’ouvrage de Roberval : Aristarchi Samii De mundi Systemate, p. 15). Si l’on admet l’hypothèse de l’attraction, on peut considérer celle-ci comme une force s’exerçant uniquement des gros corps sur les petits, ou bien comme une action réciproque. Kepler semble avoir d’abord adopté la première de ces opinions, mais il se rallia en fin de compte à la seconde (Cf. Lasswitz, Geschichte der Atomistik, II, p. 543).
  2. Texte des Varia Opera : « près ou loin du centre de la terre ».