Aller au contenu

Page:Œuvres de Blaise Pascal, III.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
174
ŒUVRES

argent tombera, jusques à ce qu’il n’en reste plus que la hauteur d’un pied ; et là il demeurera suspendu par le poids de l’eau[1] : ce qui est aisé à entendre ; car l’eau touchant le vif argent par dessous, et non pas par dessus, fait effort pour le pousser en haut, comme pour chasser un Piston, et avec d’autant plus de force qu’elle a plus de hauteur ; tellement que le poids de ce vif argent ayant autant de force pour tomber, que le poids de l’eau en a pour le pousser en haut, tout demeure en contrepoids.

Aussi, si le vif argent n’y estoit pas[2] il est visible que l’eau entreroit dans ce tuyau, et y monteroit à quatorze pieds de hauteur, qui est celle de son niveau ; donc ce pied de vif argent pesant autant que ces quatorze pieds d’eau, dont il tient la place, il est naturel qu’il tienne l’eau dans le mesme Equilibre où ces quatorze pieds d’eau la tiendroient.

Mais si on mettoit le tuyau si avant dans l’eau, que le bout d’en haut y entrât, alors l’eau entreroit dans le tuyau, et le vif argent tomberoit ; car l’eau pesant aussi bien au dedans qu’au dehors du tuyau, le vif argent seroit sans un contrepoids nécessaire pour estre soûtenu.

  1. Boyle (Hydr. parad. p. 63) conteste que Pascal ait fait l’expérience ; il invoque, outre le sien, l’insuccès de plusieurs expérimentateurs très exercés : « avec des tubes du diamètre de ceux dont on se servait pour l’expérience de Torricelli, la vitesse acquise par le mercure dans sa chute entraînerait tout en dehors du tuyau » (Thurot, Recherches sur le principe d’Archimède, Revue archéologique, juillet 1869).
  2. Correction euphonique de Bossut : « Aussi, le vif argent n’y étant pas. »