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Page:Œuvres de Blaise Pascal, III.djvu/30

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14 ŒUVRES

ferveur qui luy est ordinaire et qui ne s'oppose qu'au bien. Il n'y a pas assez longtemps que j'en suis sortie pour avoir oublié que l'estime et l'applaudissement qu'il a pour la vertu est un des meilleurs moyens dont nostre ennemy se sert pour l'affoiblir insensiblement dans une ame, sous prétexte de la communiquer aux autres ; et que ce qu'il voit bien qu'il ne pourra emporter par violence, il tasche, de l'emporter par les caresses que le monde nous fait. Il n'a pas manqué d'inspirer aux tyrans cette sorte de supplice pour ébranler la foy et la constance des martyrs ; et il ne manque pas de la suggérer aux meil- leurs amis, dans la paix de l'Eglise, pour vaincre la per- sévérance des fidelles. Résistez courageusement à cette tentation si elle vous arrive, et lorsque le monde vous tesmoignera quelque regret de ne me plus voir, asseurez vous que c'est une illusion qui disparoistroit incontinent, s'il n'estoit question de s'opposer à un bien ; puis qu'il est impossible qu'il ait une véritable amitié pour une per- sonne qui n'est point à luy, qui n'y veut jamais estre, et qui n'a point présentement de plus grand désir que de destruire h son égard, en l'abandonnant pour jamais, par un vœu solennel et par l'engagement dans une vie tout opposée à ses maximes, et qui donneroitde bon cœur tout ce qu'elle a de plus cher pour imprimer un sentiment pareil dans toutes les âmes qu'elle connoist. Que s'il est vray qu'il a conservé quelque impression de l'amitié qu'il me tesmoignoit lorsque j'estois sienne, à Dieuneplaise que cela me puisse destourner de le quitter, et vous d'y consentir I Ce doit estre ma gloire et votre joye, et de tous mes vray s amis, d'avoir ce tesmoignage de la force de la grâce de mon Dieu, que ce n'e§t point luy qui me quitte, mais moy qui l'abandonne ; et qu'encore que l'effort qu'il fait pour me retenir semble une punition toute visible de

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