ombres ; et le ciel, oà il n'y a point d'ombres, mais la
seule verité. Nous sortirions de l'estat où nous
sommes, qui est l'estat de foy, que S. Paul oppose
tant à la loy, qu'à la claire vision, si nous ne
possedions que les figures sans Jesus-Christ ; parceque
c'est le propre delà loy de n'avoir que l'ombre, et
non la substance des choses¹ : et nous en sortirions
encore, si nous le possedions visiblement, parceque
la foy, comme dit le mesme Apostre², n'est point
des choses qui se voyent. Et ainsi l'Eucharistie est
parfaitement proportionnée à nostre estat de foy ;
parcequ'elle enferme veritablement Jesus-Christ,
mais voilé³. De sorte que cet estat seroit destruit, si
Jesus-Christ n'estoit pas reellement sous les especes
du pain et du vin, comme le pretendent les heretiques ;
et il seroit destruit encore, si nous le recevions
à découvert comme dans le ciel; puisque ce
seroit confondre nostre estat⁴ avec l'estat du
Judaïsme, ou avec celuy de la gloire. Voila, mes Peres,
la raison mysterieuse et divine de ce mystere tout
divin. Voila ce qui nous fait abhorrer⁵ les Calvinistes,
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1. Paul. Hebr. X, I: Umbram enim habens lex futurorum bonorum, non ipsam imaginem rerum.
2 Paul. Hebr XI, I : Est autem fides sperandarum substantia rerum, argumentum non apparcntium. Cf. Rom. III, 20 à 22 Gal V, 4 à 6
3. Cf. une pensée analogue dans la lettre à Mr et à Mlle de Rouannez sur le miracle (27 (?) octobre 1656), supra p. 87 sq.
4. B. [ou] avec.
5. Abhorrer a ici le sens de : avoir un grand eloignement pour. Comme le remarquent Darmesteter et Hatzfeld. c'est en prenant le mot dans ce sens que Pascal discutait la question de savoir si « la Nature abhorre la trop grande plenitude » (cf. supra, Y. 11, p. M) ou « le Vuide » (T. II, p. 153).