LETTRE D'UN AVOCAT AU PARLEMENT 201
ces, n'est-ce pas toujours un assez grand mal ? Or il n'y a rien si facile que d'en faire, et à ceux qui en sont les moins suspects. Nous en avons déjà des exemples. Ce n'est pas d'aujourd'huy qu'ils méditent ce dessein. Ils se sont appris à tourmenter les gens* sur la Bulle et sur les Brefs d'Innocent X. sur le sujet desquels vous sçavez combien les Chanoines de Beauvais ont esté inquiétez, quand on les voulut forcer à y souscrire à peine de perdre leurs prébendes, dont ils seroient peut-estre dépossédez aujour- d'huy, sans l'appel comme d'abus qu'ils en firent au Par- lement: ce qui a ruïné tous ces desseins^.
Car il n'y a rien si bon contre l'Inquisition que les appels comme d'Abus. Aussi ils le sçavent bien, et ils ne manquent pas de fermer cette porte quand ils veulent tyranniser quelqu'un à leur aise. C'est ainsi qu'ils en ont usé contre le Curé de Libourne^ en Guyenne, qu'ils firent accuser de Jansénisme par des Recollets, et le citèrent de- vant des Commissaires, qu'ils luy firent donner par les gens du Conseil de M. l'Archevesque de Bordeaux. Mais comme ils n'estoient pas ses juges naturels, et qu'ils pa- roissoient d'ailleurs fort passionnez, il en appella, et demanda d'estre renvoyé pardevant les grands Vicaires, ou pardevantl'OfTicial de M. de Bordeaux, ce qu'on luy refusa. De sorte qu'il en appella à M. de Bordeaux mesme, et enfin au Pape, sans que ces Commissaires
��1. Cf. cette note prise par Pascal, Pensées, fr. gSo, T. III, p. 384, « Apres vous avoir bien tourmentez, on vous renverra chez vous. »
2. Hermant, chanoine de Beauvais, raconte longuement dans ses Mémoires, T. III, p. 112 sqq., ces querelles de juillet et août i656.
3. Hermant, Mémoires, T. III et IV, raconte, d'après un Factum sommaire publié à cette époque, la persécution dont ce curé, nommé Jacques Minard, fut victime depuis le mois de mars i656. Le 22 mai, il rentra à Libourne. — Cf. aussi le Mémoire cité supra p. i85.
�� �
