Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cience de chrétien doit se renouveler le drame qui agite le monde depuis le jour du péché, et qui doit subsister sans interruption jusqu’au jour du jugement. Il faut que d’un côté soit la puissance charnelle, le triomphe apparent qui fascine le vulgaire, les applaudissements du peuple et la faveur des grands ; de l’autre, le renoncement à tous les biens terrestres, l’attachement à Jésus crucifié, l’humilité sincère et la charité secrète : il faut donc que d’un côté les Jésuites triomphent, qu’ils entraînent la Sorbonne, qu’ils surprennent le Pape ; il faut que de l’autre, les religieuses de Port-Royal n’aient plus à offrir à Dieu que la pureté de la doctrine et de la vie, avec les souffrances de la persécution.

L’histoire tout entière, l’essence même de l’Église exigent qu’il en soit ainsi. Et pourtant aucune considération abstraite, aucune analogie historique ne suffit à nous rassurer ; ce sont encore des choses humaines. Il ne suffit même pas d’invoquer l’ardeur de la piété ou la vertu ; car qui peut dire que Dieu les agrée ? et n’est-ce pas le propre d’une conscience chrétienne, de s’incliner avec crainte et avec tremblement devant le jugement mystérieux du Dieu qui prononce sur les âmes ? Il faut que Dieu parle : la seule marque de piété c’est qu’on ait mérité d’obtenir, qu’on ait mérité surtout de comprendre la réponse. Ou ce que Pascal a cru, ce pourquoi il a souffert et espéré, ce qu’il a aimé de toute l’ardeur de son âme est faux — ou le miracle de la Sainte Épine est un miracle authentique, dissipant d’un coup les nuages accumulés sur la question de la grâce et sur la bonne foi des jansénistes, marquant d’un trait de feu l’intervention de Dieu même dans les querelles de l’Église. Le christianisme, tel que comprend Pascal, implique suivant sa propre parole « un devoir réciproque entre Dieu et les hommes…