Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/284

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cipe d’exégèse que Pascal a posé, que cette clarté soit mêlée d’obscurité. Voici donc l’obscurité, c’est que cette religion per pétuelle n’est pas unique. Le paganisme, l’histoire de l’Egypte et celle de la Chine, tout cela obscurcit, mais en même temps cela éclaire. Et en effet, c’est une objection superficielle de dire : ce qui n’est pas unique n’est pas vrai — et de détourner la tête. Si on a bonne volonté, on y regardera de plus près, et par la comparaison de la religion chrétienne et des religions païennes on se convaincra de la vérité de l’une et de la fausseté des autres. Les autres religions en effet n’ont pas de témoins ; leurs livres n’ont pas d’autorité parce qu’ils n’ont pas eu d’effica cité, ils ne sont pas l’ouvrage d’un peuple. De loin, Mahomet peut ressembler au Christ ; de près, Mahomet est le contraire du Christ et, par cette contrariété, fait connaître en quoi consiste la divinité du Christ : Mahomet n’a pas été prédit, Maho met n’a pas fait de miracles, Mahomet a réussi humainement. En lui nulle clarté supérieure qui donnerait quelque valeur aux obscurités de l’Alcoran, mais l’obscurité pure, qui est pour l’esprit un néant.

Qu’on applique les mêmes principes de critique au peuple juif : les résultats de l’épreuve sont tout différents. L’anti quité de Moïse est telle qu’aucun livre humain ne peut pré tendre à l’approcher ; entre la création et lui le nombre des générations, qui mesure seul l’altération de l’histoire, est si petit que l’historien peut être dit contemporain des événe ments qu’il raconte. Mais ce n’est pas tout, ce livre a un carac tère unique qui le distingue de tout autre livre : il contient une loi qui est la loi à la fois la plus ancienne et la plus rigoureuse de toutes celle qui révèle aux hommes leur corruption et les soumet au joug de la terreur. Or, cette loi a subsisté dans ce peuple, sans interruption ni altération, spectacle si peu conforme au cours naturel de l’histoire, qu’il apparaît, quand on y réfléchit, comme un miracle. Ne dira-t-on point à cause de cela que les Juifs ont intérêt à l’authenticité de ces livres, et qu’ils sont témoins suspects ? Mais, — et c’est ce qui achève la preuve, — ces livres portent la condamnation du peuple qui s’en est fait le gardien et le défenseur ; ce peuple a été condamné, et il est misérable, et il subsiste, afin de remplir jusqu’au bout le rôle qui lui a été assigné de témoin sincère.