Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/412

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l’obscurcit, trop de vérité nous étonne * : j’en sais qui ne peuvent comprendre que qui de zéro ôte 4 reste zéro 2 ; les premiers principes ont trop d’évi dence pour nous, trop de plaisir incommode 3, trop de consonances déplaisent dans la musique ; et trop de bienfaits* irritent, nous voulons avoir de quoi sur payer la dette 3 : Bénéficia eo usque lœta sunt dam videntur exsolvi posse ; ubi maltam antevenere, pro gratia odiam redditur 6. Nous ne sentons ni 7 l’ex-


i. Etonne a ici le sens le plus fort : nous frappe de stupeur, paralyse l’esprit et empêche de comprendre. C’est l’expression dont se sert Montaigne dans un passage dont Pascal se souvient quelques lignes plus bas : « La surprinse d’un plaisir inespéré nous estonne de mesme » (I, 2).

2. Peut-être est-ce Méré, qui refusait, comme on sait, d’admettre les subtilités des mathématiques. La proposition de Pascal est rigou reusement yraie dans l’arithmétique où zéro est pris absolument comme synonyme de néant. En algèbre, où l’on introduit les nombres négatifs, o — 4 = — 4«

3. Mont : « La volupté mesme est douloureuse en sa profondeur » (III, 10) et ailleurs : « Nostre extrême volupté a quelque air de gémis sement et de plainte » (II, 20). Pascal avait rencontré aussi les exemples suivants dans Montaigne : « Oultre la femme romaine qui mourut surprinse d’ayse de veoir son fils revenant de la route de Cannes, Sophocles et Denys le tyran qui trespasserent d’ayse, et Talva qui mourut en Corsegue, lisant les nouvelles des honneurs que le Sénat de Rome luy avoit décernez ; nous tenons, en nostre siècle, que le pape Léon dixiesme, ayant esté adverty de la prinse de Milan qu’il avait extrêmement souhaitée, entra en tel excez de ioye, que la fiebvre l’en print, et en mourut. » (I, 2. Cf. Charron, Sagesse, I, xxxvii, 3.) « Il y a, écrit la Rochefoucauld (Afax. 464), un excès de biens et de maux qui passe notre sensibilité. »

4. [Nous rendent ingrats.]

5. [Si elle nous passe, elle blesse.]

6. À cette première citation Pascal avait ajouté ces mots qu’il a barrés [non voit]. — Au livre III, ch. 8 des Essais, Montaigne cite le passage de Tacite (Ann., IV, 8) que Pascal a reproduit, et il le fait suivre de cette phrase de Sénèque (Lettre 81 subfmé) : Nam quiputat esse turpe non reddere, non vult esse cul reddat.

7. [Le grand.]