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SECTION VIII.

la nôtre, et qui passent l’état de notre capacité présente[1].

Tout cela nous est[2] inutile à savoir pour en sortir : et tout ce qu’il nous importe de connaître est que nous sommes misérables, corrompus, séparés de Dieu, mais rachetés par Jésus-Christ ; et c’est de quoi nous avons des preuves admirables sur la terre.

[3]Ainsi les deux preuves de la corruption et de la rédemption se tirent des impies, qui vivent dans l’indifférence de la religion, et des Juifs, qui en sont les ennemis irréconciliables.

  1. Pascal touche au problème capital qui se débattait entre saint Augustin et Pelage, et auquel s’est attaché particulièrement Jansénius dans l’Augustinus, comme à la pierre angulaire du christianisme : quel rapport y a-t-il entre la nature de l’homme avant le péché et la nature de l’homme après la rédemption ? Pelage identifiait ces deux natures ; saint Augustin et Jansénius les opposent. L’Augustinus contient la justification historique et théologique de cette opposition ; Pascal ne devait pas remonter si haut dans son Apologie ; il transporte le débat sur le terrain de la psychologie, et il le tranche sans sortir de l’humanité actuelle : « Les plus instruits, dit-il dans un autre fragment, vont jusqu’au commencement du monde. Les anges la voient mieux encore [la religion], et de plus loin » (285). Il est à remarquer que les deux premiers paragraphes du fragment n’ont pas paru dans l’édition originelle de Port-Royal ; ils n’ont été insérés que plus tard pour former la 15e pensée du chapitre iii, séparés du troisième paragraphe qui avait été publié dans le chapitre xxviii, i.
  2. Le copiste avait d’abord écrit serait.
  3. La fin du fragment a été publiée par Port-Royal, précédée d’un commentaire destiné à remplacer les deux paragraphes précédents qui ont paru quelque peu sévères pour la théologie janséniste : « Les impies qui s’abandonnent aveuglément à leurs passions sans connaître Dieu, et sans se mettre en peine de le chercher, vérifient par eux-mêmes ce fondement de la foi qu’ils combattent, qui est que la nature des hommes est dans la corruption. Et les Juifs qui combattent si opiniâtrement la religion chrétienne vérifient encore cet autre fondement de cette même foi qu’ils attaquent, qui est que Jésus--