Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/148

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M. Durand, ayant aux flancs ses deux paniers au milieu desquels s’enflait un gros oreiller bien blanc, était attaché devant la porte et mangeait sa provende de son qu’on lui avait servie dans une corbeille sur une chaise.

Benjamin s’inquiéta d’abord si Machecourt était là pour boire un verre de vin blanc avec lui. Sa sœur lui ayant dit qu’il était sorti :

— J’espère au moins, ajouta-t-il, ma bonne sœur, que vous me ferez l’amitié de prendre un petit verre de ratafia avec moi ; – car l’estomac de mon oncle savait se mettre à la portée de tous les estomacs.

Ma grand’mère n’avait aucune répugnance pour le ratafia, au contraire ; elle agréa la proposition de Benjamin et lui permit d’aller quérir la carafe. Enfin, après avoir bien recommandé à mon père, qui était l’aîné, de ne pas battre ses frères, à Prémoins, qui était indisposé, de demander quand il aurait certains besoins, et avoir donné sa tâche de tricot à la Surgie, elle monta sur son bourriquet.

Vive la terre et le soleil ! les voisines s’étaient mises sur leur porte pour la voir partir ; car, à cette époque, voir une femme de la classe moyenne parée un autre jour que le dimanche, c’était un événement dont chacun des regardants cherchait à pénétrer les causes, et sur lequel il établissait un système.

Benjamin, bien rasé et surabondamment poudré, rouge d’ailleurs comme un pavot qui s’étale au soleil du matin après une nuit d’orage, allait derrière, lâchant de temps en temps par un ut de poitrine un vigoureux ahï, et piquant le bourriquet de la pointe de sa rapière.

L’âne de M. Durand, poussé l’épée dans les reins par mon oncle,