Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

eussent fait faute. Louis, dit le Bien-Aimé, tenait à mériter l’amour que lui avaient décerné ses sujets. Ainsi donc, il est bien entendu que le marquis de Cambyse était inviolable comme un roi constitutionnel, et qu’il n’y avait pour lui ni justice ni maréchaussée.

Benjamin aimait à déclamer contre M. de Cambyse ; il l’appelait le Gessler des environs, et il manifestait souvent le désir de se trouver en la présence de cet homme. Ses souhaits ne furent que trop tôt accomplis, comme vous allez le voir.

Mon oncle, en sa qualité de philosophe, se mit en contemplation devant les vieux créneaux noirs et ébréchés qui déchiraient l’azur du ciel.

— Monsieur Rathery, lui dit le confrère, le tirant par la manche, il ne fait pas bon autour de ce château, je vous en préviens.

— Comment, Monsieur Fata, vous aussi vous avez peur d’un marquis ?

— Mais, Monsieur Rathery, c’est que je suis un médecin à perruque.

— Voilà comme ils sont tous, s’écria mon oncle, donnant un libre cours à son indignation ; ils sont trois cents roturiers contre un gentilhomme et ils souffrent qu’un gentilhomme leur passe sur le ventre ; encore s’aplatissent-ils le plus qu’ils peuvent, de peur que ce noble personnage ne trébuche !

— Que voulez-vous, Monsieur Rathery, contre la force…

— Mais c’est vous qui l’avez, la force, malheureux ! Vous ressemblez au bœuf qui se laisse conduire par un enfant, de sa verte prairie à l’abattoir. Oh ! le peuple est lâche, il est lâche ! je le dis avec amertume, comme une mère dit que son enfant a mauvais cœur. Toujours il abandonne au bourreau ceux qui se sont sacrifiés pour lui, et s’il manque une corde pour les pendre il se charge de la