Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/348

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— À la bonne heure ! dit M. Minxit ; et pour que ce souvenir reste plus longtemps dans votre mémoire, je fonde à perpétuité un dîner qui aura lieu le jour de l’anniversaire de ma mort, et où vous viendrez tous assister tant que vous serez dans le pays ; Benjamin est chargé de l’exécution de ma volonté.

— Cela vaut mieux qu’un service, fit mon oncle ; et il continua en ces termes : « Je ne vous parlerai point de ses vertus ! »

— Mets « qualités », dit M. Minxit, cela sent moins l’amplification.

— « Ni de ses talents ; vous avez tous été à même de les apprécier. »

— Surtout Arthus, à qui j’ai gagné, l’an passé, quarante-cinq bouteilles de bière au billard.

— « Je ne vous dirai pas qu’il fut bon père ; vous savez tous qu’il est mort pour avoir trop aimé sa fille. »

— Hélas ! plût au ciel que cela fût vrai ! répondit M. Minxit, mais une vérité déplorable que je ne puis me dissimuler, c’est que ma fille est morte parce que je ne l’ai pas assez aimée. J’ai agi envers elle comme un exécrable égoïste, elle aimait un noble et je n’ai pas voulu qu’elle l’épousât, parce que je détestais les nobles ; elle n’aimait pas Benjamin, et j’ai voulu qu’il devînt mon gendre, parce que je l’aimais. Mais j’espère que Dieu me pardonnera. Ce n’est pas nous qui avons fait nos passions et nos passions dominent toujours notre raison. Il faut que nous obéissions aux instincts qu’il nous a donnés, comme le canard obéit à l’instinct qui l’entraîne vers la rivière.

— « Il fut bon fils, » poursuivit mon oncle.

— Qu’en sais-tu ? répondit M. Minxit. Voilà pourtant comme se font les épitaphes et les oraisons funèbres. Ces allées de tombes et de cyprès qui s’étalent dans nos cimetières, ce ne sont que des