Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/92

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geonné de poudre, de sorte que l’habit de mon oncle ressemblait, avec ses teintes roses et blanches, à une brique sur champ écaillée. Mon oncle était médecin, voilà pourquoi il avait une épée. Je ne sais si les malades avaient grande confiance en lui ; mais lui, Benjamin, avait fort peu de confiance dans la médecine : il disait souvent qu’un médecin avait assez fait quand il n’avait pas tué son malade. Quand mon oncle Benjamin avait reçu quelque pièce de trente sous, il allait acheter une grosse carpe, et la donnait à sa sœur pour lui faire une matelolle dont se régalait toute la famille. Mon oncle Benjamin, au dire de tous ceux qui l’ont connu, était l’homme le plus gai, le plus drôle, le plus spirituel du pays, et il en eût été le plus… comment dirai-je pour ne pas manquer de respect à la mémoire de mon grand-oncle ?… il en eût été le moins sobre, si le tambour de la ville, le nommé Cicéron, n’eût partagé sa gloire.

Toutefois, mon oncle Benjamin n’était pas ce que vous appelez trivialement un ivrogne, gardez-vous de le croire. C’était un épi-