Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/364

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en cas qu’il n’y eût point de Dieu, ou (comme il dit immédiatement auparavant) en cas qu’il n’y eût point d’être plus parfait que le mien, et qui ait mis en moi son idée. Car (dit-il) de qui aurois-je mon existence ? peut-être de moi-même, ou de mes parents, ou de quelques autres, etc. : or est-il que si je l’avois de moi-même, je ne douterois point ni ne désirerois point, et il ne me manqueroit aucune chose ; car je me serois donné toutes les perfections dont j’ai en moi quelque idée, et ainsi moi-même je serois Dieu. Que si j’ai mon existence d’autrui, je viendrai enfin à ce qui l’a de soi ; et ainsi le même raisonnement que je viens de faire pour moi est pour lui, et prouve qu’il est Dieu[1]. » Voilà certes, à mon avis, la même voie que suit saint Thomas, qu’il appelle la voie de la causalité de la cause efficiente, laquelle il a tirée du Philosophe, hormis que saint Thomas ni Aristote ne se sont pas souciés des causes des idées. Et peut-être n’en étoit-il pas besoin ; car pourquoi ne suivrai-je pas la voie la plus droite et la moins écartée ? Je pense, donc je suis, voire même je suis l’esprit même et la pensée ; or, cette pensée et cet esprit, ou il est par soi-même ou par autrui ; si par autrui, celui-là enfin par qui est-il ? s’il est par soi, donc il est Dieu ; car ce qui est par soi se sera aisément donné toutes choses.

  1. Voyez Méditation III, page 284.