Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/365

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Je prie ici ce grand personnage et le conjure de ne se point cacher à un lecteur qui est désireux d’apprendre, et qui peut-être n’est pas beaucoup intelligent. Car ce mot par soi est pris en deux façons : en la première, il est pris positivement, à savoir par soi-même, comme par une cause ; et ainsi ce qui seroit par soi et se donneroit l’être à soi-même, si, par un choix prévu et prémédité, il se donnoit ce qu’il voudroit, sans doute qu’il se donneroit toutes choses, et partant il seroit Dieu. En la seconde, ce mot par soi est pris négativement et est la même chose que de soi-même ou non par autrui ; et c’est de cette façon, si je m’en souviens, qu’il est pris de tout le monde.

Or maintenant, si une chose est par soi, c’est-à-dire non par autrui, comment prouverez-vous pour cela qu’elle comprend tout et qu’elle est infinie ? car, à présent, je ne vous écoute point, si vous dites, Puisqu’elle est par soi elle se sera aisément donné toutes choses ; d’autant qu’elle n’est pas par soi comme par une cause, et qu’il ne lui a pas été possible, avant qu’elle fût, de prévoir ce qu’elle pourrait être pour choisir ce qu’elle seroit après. Il me souvient d’avoir autrefois entendu Suarez raisonner de la sorte : Toute limitation vient d’une cause ; car une chose est finie et limitée, ou parceque la cause ne lui a pu donner rien de plus grand ni de plus parfait, ou parcequ’elle ne l’a pas