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Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome II.djvu/79

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OBJECTIONS ET RÉPONSES.

que nous nous ressouvenons d’avoir autrefois fort clairement conçues. Car, premièrement, nous sommes assurés que Dieu existe, pourceque nous prêtons notre attention aux raisons qui nous prouvent son existence. Mais après cela, il suffit que nous nous ressouvenions d’avoir conçu une chose clairement pour être assurés qu’elle est vraie, ce qui ne suffiroit pas si nous ne savions que Dieu existe et qu’il ne peut être trompeur.

[1] Pour la question savoir s’il ne peut y avoir rien dans notre esprit, en tant qu’il est une chose qui pense, dont lui-même n’ait une actuelle connoissance, il me semble qu’elle est fort aisée à résoudre, parceque nous voyons fort bien qu’il n’y a rien en lui, lorsqu’on le considère de la sorte, qui ne soit une pensée ou qui ne dépende entièrement de la pensée, autrement cela n’appartiendroit pas à l’esprit en tant qu’il est une chose qui pense ; et il ne peut y avoir en nous aucune pensée de laquelle, dans le même moment qu’elle est en nous, nous n’ayons une actuelle connoissance. C’est pourquoi je ne doute point que l’esprit, aussitôt qu’il est infus dans le corps d’un enfant, ne commence à penser, et que dès lors il ne sache qu’il pense, encore qu’il ne se ressouvienne pas par après de ce qu’il a pensé, parceque les espèces de ses pensées ne demeurent pas empreintes en sa mémoire. Mais

  1. Voyez les quatrièmes objections, page 50 de ce volume.