Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome V.djvu/256

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continent beaucoup plus grande que celles qui se forment en ces quartiers, où elles dépendent de plusieurs moindres inégalités qui sont entre nos plaines, et nos lacs, et nos montagnes. Et pourcequ’il ne se voit quasi jamais d’autres nues en ces lieux-là, sitôt que les mariniers y en aperçoivent quelqu’une qui commence à se former, bien qu’elle paroisse quelquefois si petite que les Flamands l’ont comparée à l’œil d’un bœuf, duquel ils lui ont donné le nom, et que le reste de l’air semble fort calme et fort serein, ils se hâtent d’abattre leurs voiles, et se préparent à recevoir une tempête, qui ne manque pas de suivre tout aussitôt. Et même je juge qu’elle doit être d’autant plus grande que cette nue a paru au commencement plus petite ; car, ne pouvant devenir assez épaisse pour obscurcir l’air et être visible, sans devenir aussi assez grande, elle ne peut paroître ainsi petite qu’à cause de son extrême distance ; et vous savez que plus un corps pesant descend de haut, plus sa chute est impétueuse. Ainsi cette nue étant fort haute, et devenant subitement fort grande et fort pesante, descend tout entière, en chassant avec grande violence tout l’air qui est sous elle, et causant par ce moyen le vent d’une tempête. Même il est à remarquer que les vapeurs mêlées parmi cet air sont dilatées par son agitation, et qu’il en sort aussi pour lors plusieurs autres de la mer, à