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64 LA DIOPTRIQUE.

toute comprise en celle dont nous voyons la distance et la situation de leurs parties, à savoir, leur grandeur s’estime par la connaissance ou l’opinion qu’on a de leur distance, comparée avec la grandeur des images qu’ils impriment au fond de l’œil, et non pas absolument par la grandeur de ces images, ainsi qu’il est assez manifeste de ce que, encore qu’elles soient, par exemple, cent fois plus grandes lorsque les objets sont fort proches de nous que lorsqu’ils en sont dix fois plus éloignés, elles ne nous les font point voir pour cela cent fois plus grands, mais presque égaux, au moins si leur distance ne nous trompe. Et il est manifeste aussi que la figure se juge par la connaissance ou opinion qu’on a de la situation des diverses parties des objets, et non par la ressemblance des peintures qui sont dans l’œil ; car ces peintures ne contiennent ordinairement que des ovales et des losanges lorsqu’elles nous font voir des cercles et des carrés.

Mais, afin que vous ne puissiez aucunement douter que la vision ne se fasse ainsi que je l’ai expliquée, je vous veux faire encore ici considérer les raisons pourquoi il arrive quelquefois qu’elle nous trompe : premièrement, à cause que c’est l’âme qui voit, et non pas l’œil, et qu’elle ne voit immédiatement que par l’entremise du cerveau, de là vient que les frénétiques et ceux qui dorment voient souvent ou pensent voir divers objets qui ne sont