Depuis le temps antique, où vibrait à tes fêtes
La harpe de David et des anciens prophètes,
N’est-ce pas, ô Seigneur, un encens précieux
Que l’encens du poëte ? et les anges des cieux
Ne se courbaient-ils pas, avides, pour entendre
Jean Racine toucher son luth pieux et tendre,
Quand il eut pour le cloître abondonné les cours
Et dans ton amour pur éteint tous ses amours ?
Et puis, mon grain d’encens, qui sait, fera peut-être
Pétiller l’urne éteinte entre les mains du prêtre.
J’ai dans mes souvenirs un fabliau bien vieux
Dont, au bruit de la mer et des vents pluvieux,
Mon aïeule bretonne, à la voix sibylline,
Berçait pendant la nuit mon enfance orpheline.
Un jour, Dieu sait pourquoi,l’élément nourricier
Qui prodigue la vie à ce limon grossier,
Le feu, manqua dans l’air ; la nature vivante
Tressaillit tout à coup de froid et d’épouvante.
Les oiseaux, qu’un vent noir chassait en tourbillons,
Désertaient effarés les bois et les vallons.
Plus cruels de terreur, dans l’atmosphère humide,
Les vautours se battaient. Le rossignol timide
Dit sa chanson de mort, et, lorsqu’elle finit,
Se cacha résigné, la tête dans son nid.
Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/242
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