seule vertu. On augurait alors du mérite d’après les poings et les épaules, comme on le cherche à présent sur le front et dans les yeux. Enfin, et c’est tout dire, Hercule, la personnification de la force, Hercule était dieu !
La pythie tardait bien à paraître, et l’on n’entendait pourtant aucun murmure d’impatience. La curiosité publique avait sa pâture. Hyllus, l’aîné des Héraclides, attirait surtout les regards. C’était un guerrier gigantesque, aux bras musculeux et nus, à la grosse face insouciante, et qui, une peau de lion sur les épaules, une massue à la main, affectait les poses paternelles : on eût dit Hercule lui-même, Hercule à vingt ans. Anténor, le puîné d’Hyllus, avait les traits plus fins et la taille plus élancée. Il se drapait avec complaisance dans sa divinité toute neuve, souriait aux jeunes Grecques, et les narines gonflées, humait avec délices les parfums de l’admiration. En un mot, le divin Anténor était ce que nous autres mortels nous appelons vulgairement un fat. Quant à leur frère Egyste, il n’avait rien, sauf la force et la bravoure, de commun avec ses aînés. C’était à cette époque et dans ce pays un anachronisme vivant. Chose étrange ! il avait les cheveux blonds, et sa figure exprimait la mélancolie, sentiment tout moderne et tout chrétien. Il revenait des combats les plus terribles, doux et timide à la maison : on eût dit, sous le soleil de l’Attique, un de ces blonds guerriers du Nord qui terrassaient des géants et des monstres, puis courbaient la tête sans murmurer sous la baguette d’une petite fée. Il semblait, en regrettant Argos, pleurer quelque chose de mieux qu’un trône. Où donc s’envolaient ses soupirs ? au foyer d’un ami ? au tombeau d’une mère ? Nul ne le sait, car il n’a jamais dit son secret à personne,